Ibrahima Diawado N’jim, le mauritanien qui murmure à l’oreille de Manuel Valls

Crédit photo : Nossant / SIPA

 

 

 

 

 

 

 

 

Musulman, professeur d'arabe, né dans le Sahel mauritanien : un profil atypique dans la garde rapprochée du ministre français de l'Intérieur. Pourtant, ce militant associatif l'accompagne depuis douze ans.

Si l'on se fie à sa carte de visite, Ibrahima Diawadoh N'Jim est "chargé de mission Affaires réservées et Diversité" au ministère de l'Intérieur. En réalité, il fait partie des hommes de confiance de Manuel Valls, ces "Valls boys" passés de la mairie d'Évry à la Place Beauvau dans le sillage du ministre. Il est même l'un des rares à pouvoir entrer dans le bureau du patron lorsqu'il n'est pas là ou à protester s'il n'est pas d'accord. Plus qu'un collaborateur, c'est un ami de longue date du "premier flic de France", dont il a été le témoin lors du mariage de celui-ci avec la violoniste Anne Gravoin.
 
Né à Kiffa, berceau des Soninkés du Sahel mauritanien, il y a près de soixante ans, Ibrahima Diawadoh N'Jim n'était pas prédestiné à atterrir sous les lambris de la République. Après des études de lettres et de pédagogie en Arabie saoudite, il devient enseignant dans un lycée de Nouakchott. À la fin des années 1980, il s'envole pour Paris afin d'y parfaire sa formation. Militant de la cause négro-mauritanienne, sensible aux idéaux de gauche, le jeune professeur d'arabe (il enseigne dans le secondaire en Île-de-France) adhère en 1990 à la section du Parti socialiste (PS) d'Évry, où il a trouvé un logement. Il en devient rapidement l'un des militants les plus actifs.
 
Aux municipales de 2001, Manuel Valls, alors protégé de Lionel Jospin, est parachuté dans la préfecture de l'Essonne. "Je faisais partie de l'équipe chargée d'animer sa campagne, se rappelle Diawadoh N'Jim. Entre nous, le courant est immédiatement passé." De la mairie d'Évry au ministère de l'Intérieur, l'immigré peul et l'ambitieux socialiste ne se quitteront plus.
 
"Ibrahima est un peu le thermomètre de Manuel, confie Sébastien Gros, le chef de cabinet. Il a un rôle transversal et intervient sur tous les dossiers liés à l'intégration, à la diversité et au culte." Se rendant régulièrement en Mauritanie et au Sénégal, il fait aussi profiter le ministre français de son important réseau ouest-africain. Pendant des années, Diawadoh N'Jim a gardé le contact avec le continent à travers son association d'aide à l'éducation, dont les activités sont désormais en pause pour cause d'agenda resserré.
 
À la fois membre de la garde rapprochée de Valls et électron libre, il dispose d'une liberté de ton appréciée de l'ancien maire d'Évry et de ses collaborateurs. En fin de journée, quand le rythme décélère, il n'est pas rare que la petite équipe se retrouve dans le bureau du Franco-Mauritanien pour se détendre quelques minutes autour d'un thé.
 
"Ce que Manuel Valls pense et ce que les médias disent est différent"
 
Celui que ses proches décrivent comme calme, disponible et réfléchi est aussi un pieux musulman, qui a fait le hadj ("pèlerinage") à plusieurs reprises. Lorsqu'il travaillait à Évry, il se rendait presque quotidiennement à la mosquée. Comment réagit-il au discours offensif de Valls sur l'islam et le voile ? "Ce que Manuel pense et ce que les médias disent est différent. Il faut lire ce qu'il a écrit sur le sujet : il a un profond respect pour les musulmans", s'insurge-t-il, précisant qu'à l'époque évryenne, l'élu socialiste était régulièrement invité à rompre le jeûne chez les habitants pendant le ramadan.
 
Marié, père de trois enfants, Ibrahima Diawadoh N'Jim habite toujours Évry. "Il n'a pas changé, affirme Mbaye Badiane, figure du quartier réputé chaud des Pyramides. On a même l'impression qu'il est plus ouvert, plus à l'écoute des autres." Appuyé au mur d'une HLM décrépite, il prédit que son vieux camarade tracera sa route au côté de Manuel Valls tant qu'il le pourra. Quitte, un jour, à l'épauler dans les plus hautes fonctions de l'État, un objectif que le "Sarkozy de gauche" n'a jamais dissimulé.
 
Benjamin Roger
 
Source  :  Jeune Afrique  le 05/09/2013{jcomments on}
 

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