Diaspora Rouen : Néné Sow-Camara, monument du social et de l’interculturalité

 De Guinguinéo à Rouen : une si belle aventure humaine ( Partie 1)

 

« La victoire ne se gagne pas, elle s’arrache ». Cette boutade de son père résume parfaitement le parcours de migration normale et d’intégration réussie de Néné-Camara Sow aujourd’hui à la retraite après 48 ans de présence en Normandie en France. Un long chemin parsemé d’embûches mais également de belles conquêtes dans le social et l’interculturalité. Une riche expérience associative qui lui a valu la médaille de l’ordre du mérite et qu’elle partage depuis 2012 entre son pays d’origine le Sénégal et son pays d’adoption la France.

 

Néné Sow-Camara est née à Guinguinéo, ancienne ville rurale devenue département en 2008 au Sénégal. Elle est la seule fille d’une fratrie de 6 enfants. Une famille de classe moyenne issue du Sénégal oriental de Bakel. Elevée dans une ambiance familiale inter- culturelle ( sooninké et peul) son père voulait qu’elle devienne Avocate ou Sage- Femme mais le destin en a décidé autrement avec un mari installé en France où elle est arrivée par regroupement familial le 31 juillet 1971. Avec son BAC sénégalais elle a voulu s’inscrire à la Fac pour une capacité en Droit mais elle s’est heurtée à un mauvais un accueil et une fin de non recevoir. Et puis le concours des Secrétaires des Greffes et Parquets ne lui était pas accessible parce qu’elle était sénégalaise. Et comble de malheur avec un diplôme de Secrétariat Sténo dactylo elle était partout refusée même si les tests étaient bons. Un début d’intégration difficile et parsemé d’embûches car il n’était pas facile de trouver sa voie pour une jeune primo-arrivante en France dans ces années-là. L’intolérance aux personnes étrangères surtout les noirs était présente sans être exacerbée. Un racisme non dit surtout dans la recherche de l’emploi même dans les formations.

 

Premiers pas vers l’intégration

 

  C’est dans un quartier populaire au Château Blanc à Saint-Etienne –du-Rouvray que Néné va pouvoir se consacrer à sa vie de famille, d’épouse et de mère. Et très vite elle va s’ attacher à cette cité stéphanoise comme si c’était son deuxième village natal. L’occasion pour elle de rencontrer des gens sympathiques et surtout une Association LA CONFEDERATION SYNDICALE DES FAMILLES qui proposait des activités pour les familles du quartier. Des familles de milieu populaire, des familles migrantes se côtoyaient à l’école au centre de la Protection Maternelle et Infantile sans se connaitre ou chercher à se connaitre.

Pour la C.S.F, ces activités ont créé une dynamique sociale qui rapproche les familles de divers horizons. Ces rencontres lui ont permis de rompre la solitude. La chance était au rendez-vous avec une famille sénégalaise qui habitait dans ce quartier depuis plus de 3 ans. Anna Gomis la mère de famille qui lui a présentée Madame Simone DELARUE. Et depuis cette dernière l’a adoptée comme sa fille et lui a mis le pied à l’étrier dans la vie associative et personne ne pouvait plus l’arrêter. C’est grâce à elle qu’elle a pu intervenir dans les écoles pour accompagner les femmes illettrées ou analphabètes, à la P.M.I dans les collèges pour accueillir les primo arrivants et faciliter leur intégration.

 

Engagement social et en particulier l’interculturalité

 

Très vite repérée dans le quartier comme interlocutrice des familles migrantes Néné met en place des cours d’alphabétisation pour les femmes d’origine étrangère. Des activités de soutien scolaire pour tous les enfants en difficulté et surtout dans l’impossibilité d’être aidés par les parents.

Plus tard, des hommes d’origine étrangère ont suivi le même processus d’alphabétisation le soir après le travail. 2 fois par semaine. Les résultats sont éloquents parce qu’ils pouvaient mieux communiquer et remplir leurs chèques, faire les courses sans se perdre dans leurs comptes. Avec de plus en plus d’enfants bénéficiaires et de fréquentations, il y eut plus de subventions du F.A.S et de la CAF (Caisse d’Allocations Familiales). Les activités se sont développées et la relation améliorée avec les écoles.

Lorsque le dispositif national D.S.Q (Développement Social des quartiers) est mis en place, le Château Blanc est reconnu comme site prioritaire et site Pilote d’intégration. La C.S.F est plébiscitée et mise en avant par les politiques publiques pour proposer, encadrer et accompagner les familles. C’est ainsi que pour les activités scolaires des cours de F.L.E (Français Langue Etrangère) sont mis en place au Collège Louise Michel avec au démarrage 30 élèves primo arrivants non francophones.

 

Une militante à la tête de réseaux de femmes actives de Normandie

 

Une riche expérience associative qui débouche sur des études supérieures avec au bout un D.E.F.A  (Diplôme d’Etat aux Fonctions d’ Animation) à l’I.R.T.S  (Institut Régional des Travailleurs Sociaux) à Canteleu après avoir  validé  les 5 modules sur plusieurs années,  à cause  de situations familiales complexes. Ce sésame a consolidé tous ses acquis de bénévolat et de salariée grâce à une association ASPIC ( Accès des services publics aux Informations sur les Collectivités)  où elle devient en 91 la coordinatrice  pour former, encadrer des Personnes Relais afin qu’elles puissent accompagner dans de bonnes conditions les familles . Ces Personnes Relais devaient elles- mêmes être formées à l’environnement social, la connaissance des institutions, être capable de proposer des activités adéquates qui favorisent l’insertion et l’intégration.

En effet Il s’agissait de faciliter l’intégration des familles primo arrivantes en les accompagnant vers les institutions, écoles et autres. Il faut dire dans les années 90, plus de 17 nationalités cohabitaient au Château Blanc et que sur 150 demandes de Regroupement Familial, le tiers était admis à St Etienne du Rouvray et plus précisément dans les Tours Mont Blanc, Naurouze, Faucigny et Hauskoa. En moyenne sur 150 familles pendant 3 ans soit 450 familles au total de différentes nationalités. De quoi désorienter les Travailleurs Sociaux. Et deux ans plus tard en 93 Néné initie l’Union régionale des associations Interculturelles des Femmes de Rouen dont elle sera présidente jusqu’en 98.

 

 

Propos recueillis par Bakala Kane

 

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