Pandémie covid-19 Mauritanie : le covid-19 annonciateur d’une dette colossale de l’Etat

Derrière la bataille sanitaire contre la propagation du virus se profile une autre guerre contre la dette colossale de l’Etat mauritanien et le retour d’une austérité qui risque de mettre à mal les réformes déjà engagées. Le scénario noir de récession pourrait conduire à une explosion sociale et à une dérive autoritaire du régime de Ould Ghazouani contre les droits de l’homme et les libertés.

Le parcours initiatique pour la Mauritanie dans la gestion de la crise sanitaire provoquée par la pandémie de covid-19 est assez éloquent pour les observateurs qui pointent une maîtrise encourageante de la propagation mais des mesures insuffisantes dans la résilience économique. Nouakchott est déjà dans l’après covid-19. Le confinement laisse sur les carreaux les travailleurs de l’informel d’abord les plus touchés sans aucune aide de l’Etat. Ensuite les masses laborieuses des ports et des industries extractives au ralenti. Une bombe sociale qui risque d’exploser après le déconfinement.

Le coronavirus pénalise également le secteur tertiaire de l’hôtellerie et du tourisme, de la restauration du commerce et des banques qui représentent plus de 37 pour cent du PIB en 2018. En 2020 les écarts de points nécessiteront un soutien massif pour ne pas perdre les emplois et les services. Dans cette lancée le pays perd une grande partie de ses recettes d’exportation du fer le poumon de l’économie. Et du poisson qui sert dans ce confinement comme un filet de sécurité alimentaire.

La difficulté de financer le budget d’un Etat surendetté devient quasi-impossible. La dette publique avoisinant plus de 80 pour cent du PIB en 2019 une des plus importantes au plan sous régional. La non maîtrise des finances publiques est un signe de mal gouvernance. C’est vrai que l’Etat a lancé un fonds solidaire anti-covid-19 pour faire face aux urgences sociales comme les 500 millions d’ouguiya déjà dépensés pour les denrées de première nécessité pour les 20000 familles ciblées.

Mais c’est la résilience économique qui pose plus de problèmes avec seulement 2 milliards de la nouvelle monnaie là où certains Etats africains ont casqué 1000 milliards ou 600 milliards de FCFA alors que les premiers secours à l’élevage s’élèvent à 2 milliards d’ouguiya à peine pour sauver un secteur qui fait face à la fermeture des frontières, la principale cause de fragilité de tous les secteurs y compris l’agriculture en souffrances d’une mise en valeur commune avec le Sénégal et le Mali du fleuve Sénégal à l’arrêt. De lourdes implications dans la production en riz au niveau de la vallée laissant planer la pire des saisons. Une économie confinée dont la relance portera sur les secteurs prioritaires comme la santé.

Le covid 19 aura révélé toutes les failles d’un système de santé publique longtemps confiné malgré le dévouement et le professionnalisme du personnel de la santé qui a permis d’en arriver aux bons résultats contre la propagation du virus pointés par les observateurs. L’émergence d’hôpitaux de dernière génération, l’équipement en matériels médicaux et de lits de réanimation, l’assurance maladie pour tous, la valorisation du personnel médical et de la santé s’imposeront comme les premiers enseignements de la crise sanitaire. Ce tableau pessimiste de la sortie de crise est loin d’être une fiction.

Cette pandémie oblige le gouvernement à agir dès maintenant pour soutenir les entreprises afin de limiter les conséquences sociales et de préserver les secteurs productifs. La dette colossale de l’Etat laisse penser à un scénario noir de récession du fait que le covid-19 même s’il est à moitié endigué est une épée de Damoclés suspendue sur toutes les réformes engagées par le gouvernement. La récession entraîne la mise en place d’un réajustement structurel par les gendarmes financiers le FMI et la Banque mondiale d’autant plus qu’un moratoire sur la dette africaine se profile à l’horizon. Cela conduit ipso facto à une explosion sociale. Laquelle pourrait entraîner une dérive autoritaire du régime de Ould Ghazouani.

Cherif Kane

Coordinateur journaliste

 (Reçu à Kassataya le 22 avril  2020)

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